L’entreprise, lieu d’hyper-gestion, aura vu son monde de planification miné par les variables à plusieurs inconnues, sa dynamique d’initiative attaquée par les incertitudes, et surtout son appareillage de processus et de procédures gravement affecté par une situation non budgétée et absente des hypothèses stratégiques.
Sans parler de désorganisation pour autant, les repères professionnels et organisationnels habituels ont été gravement et brutalement affectés par cette crise pandémique. La solidité a été mise à l’épreuve, autant que la plasticité de l’organisation aura été sollicitée. Il s’en est dégagé des lignes de force et de faiblesse à chaque échelon de l’entreprise, du comité de direction jusqu’à l’unité opérationnelle. La chaîne organisationnelle s’est retrouvée en pleine tension, vérifiant chaque maillon de sa ligne de tension.
Une fatalité s’est imposée durablement et inexorablement, même si d’autres cas de force majeure avaient pu auparavant, et de manière ponctuelle ou localisée, déjà toucher l’organisation. En pareille situation, les marges de manœuvre sont faibles, et la première solidité de l’organisation, c’est sa propre résistance et résilience d’organisation elle-même, afin de rester ce qu’elle est. Durant cette première phase, elle s’assure du maintien et de l’économie de toutes ses ressources. Ensuite devant une certaine sidération générale, elle recherche son positionnement de fonctionnement minimal ou de rebond dans le contexte. Une fois pansée de ses blessures, l’organisation va mobiliser toutes ses ressources pour retrouver la dynamique qui était la sienne avant la crise.
Dans ce séquençage - ou dans d’autres - du positionnement de l’organisation face à la crise majeure de la Covid-19, il demeure une question capitale pour toute Direction ou DRH d’entreprise : que nous dit la crise sur notre organisation ? Qu’a-t-elle mis en évidence, dans chacune des phases identifiées ? Car dans ce type unique de crise, il y a des paramètres que l’on ne retrouve qu’en de très rares situations. Dans le cas du Covid-19, il y a l’imprévisibilité d’un tel phénomène, jusqu’à présent ; son caractère intégral et mondial, inédit ; sa gestion culturelle et ses conséquences, différenciées entre les pays.
Tous ces paramètres associés aux activités propres de chaque entreprise, offrent un cadre d’analyse exceptionnel, que l’on trouvait qu’en des circonstances de grandes catastrophes naturelles, ou dans des situations directes de guerres. L’ampleur du phénomène Covid-19 nous offre un cadre unique d’auto-analyse de nos organisations, en raison de cette réalité imposée, et non immédiatement maîtrisable par nos propres ressources. Elle a mis en évidence la capacité d’initiative d’un encadrement, devant de telles situations : « hors manuels » et exemptes d’expériences en la matière. Elle a révélé le degré d’engagement des équipes et témoigné de la culture d’entreprise. Tout cela, bien mieux que dans n’importe quelle étude ou sondage.
C’est la responsabilité et l’engagement qui ont trouvé en pareilles situations à s’illustrer, mieux que dans tous les séminaires de management et d’engagement des équipes. On ne souhaite évidemment pas vivre pareille crise de nouveau, mais elle nous offre à la fois un diagnostic extraordinaire de nos entreprises, tout en nous permettant de travailler pour un avenir définitivement non linéaire, ainsi que dans des modalités de préparation à la gestion de crise, au plan managérial et RH. La crise nous a offert un test d’effort cardiaque de nos organisations.
Gérard Taponat est DRH et consultant, Professeur associé de l’Université Paris Dauphine-PSL et responsable du Master Négociations & Relations Sociales.